Reprendre forme humaine est aussi long qu'éprouvant. Je prends toujours soin de me faufiler dans une grotte avant de me mettre à effectuer cette transition dangereuse. Le plus douloureux après celles-ci, c'est extrémités, mes mains particulièrement, je dépoussière ma cape blanche après être resté prostré, nu pendant plusieurs longues heures. Je ne suis pas complètement remis et chaque mouvement est un enfer. Ceci dit, je ne peux me permettre de rester là.
Il serait dommage que ma présence n'attire des bêtes sauvages et mette ma vie en danger. J'ai bien vite appris que si les humains ne peuvent avoir ma peau pour l'heure. Cela ne signifie pas que la faune ou la flore ne l'aura pas à leur place. Je fais tomber le vêtement sur mon corps dénudé, le reste de ce qui m'habille habituellement ? Pas loin, j'ai juste un peu de marche à faire. Je sépare toujours les deux. Des fois que des bêtes sauvages ou des êtres humanoïdes ne s'en empare. Mon sac de vivre est resté à l'auberge où je séjournais. Ils pensent que je suis parti faire des emplettes, ah les mensonges… Transmuter en dragon est douloureux. Trois fois ma propre taille ! C'est une douleur indécente.
Le petit plan d'eau en contrebas de la grotte me donne envie de me rafraîchir, l'eau n'est pas aussi claire qu'au Lac Ephnil, certes. Ceci dit, on peut voir un peu sous la surface et l'odeur est à mille lieux des Marécages Pulvam. C'est même le contraire. Une odeur fraîche de nature, l'odeur de l'herbe imbibée de rosée et la cascade un peu plus loin, je me dirige machinalement vers celle-ci. Jetant le vêtement au sol pour pénétrer l'eau glacée. C'est avec un soupir d'aise que je me pose contre l'herbe qui vient s'écraser contre mon dos. La fraîcheur me fait un bien fou. Mes muscles et mes articulations endolories réclament des températures extrêmes après la métamorphose. Bien que je sois plus friand du chaud. Je sais apprécier la douceur du froid, c'est vivifiant, ça stimule la circulation du sang dans mon corps.
Je me retourne en posant mes bras aux marques immondes de corruption dues aux rituels de ces malades. Si je pouvais faire disparaître ça, je serais déjà bien heureux. Si j'avais pu sauver la petite aussi. Quel frère misérable je fais. Pas plus misérable que ma génitrice, certes, mais j'ai pas non plus la palme d'or du meilleur frangin. Je ramène mes cheveux trempés et en désordre en arrière.
Je donne finalement une impulsion contre le bord pour plonger. Je sers mon corps tout entier, retenant ma respiration. Le bruit étouffé de la cascade est mon point d'ancrage avec la réalité. Je me vide la tête, si je ressasse ça, je pourrais encore céder à l'appel de la bête alors que je viens tout juste d'assouvir son besoin de liberté… Elle me murmure déjà que je devrais la laisser accomplir sa vengeance, notre vengeance…
Je sors la tête de l'eau en inspirant l'air à grandes goulées, nageant jusqu'au bord, j'inspire et j'expire bruyamment. Respirer me donne l'impression que mes poumons se consument… Je grogne et me hisse hors de l'eau, me réfugiant dans le vêtement blanc comme s'il allait me protéger. La menace est grande, elle a des griffes et des crocs, pourtant je sais que je dois juste calmer la danse endiablée dans laquelle mon cœur endolori s'est lancé.
Bordel j'ai l'estomac au bord des lèvres ! Je me penche sur le côté, rendant cordialement mon repas du matin sur le sol. Je m'essuie la bouche avec de l'eau et me laisse retomber sur le dos, ma poitrine se soulevant petit à petit à un rythme plus régulier. J'ai l'impression que mon corps entier est une cage, mais je sais que c'est une farce de ce gros lézard destructeur. Je ne dois pas céder à cette pensée, sous aucun prétexte.
On aimerait tant pouvoir inventer le dragon qui fera de nous des princes charmants.
Dernière édition par Kyle Ravensworth le Mar 12 Juil - 15:24, édité 1 fois
Ses oreilles se sont dressées d’un seul coup. Un curieux bruit venait de l’interrompre dans sa méditation. Elle était perchée sur une branche assez solide pour supporter son poids d’animal, c’était ainsi qu’elle aimait profiter des fois où elle se métamorphosait en boule de poils blanche. Ses queues pendaient dans le vide alors qu’elle se redressa pour tourner la tête vers la source de ce bruit. Aussi discret aurait-il pu être, Melyne l’avait détecté. Et c’était quelque chose qui l’intriguait énormément. Qu’est-ce que c’était ?
« Hm… Je devrais pas… » Pensait-elle alors que de petits picotement se faisaient ressentir au niveau de sa gorge.
Sa bonne conscience était en train de se battre avec cette curiosité qui lui rongeait l’esprit. Au fond, qu’est-ce que ça lui apporterait d’y aller jeter un œil ? Absolument rien. Et si au contraire, il y avait quelque d’important ? De précieux ? Ou peut-être des bandits, des chasseurs… Après tout, ce lieu est bien assez éloigné de la population, là où tout animal pourrait y trouver un refuge. Qui a dit ça ? Les hérissons. Il y avait une certaine tranquillité en ce lieu que certains animaux appréciaient. Rares étaient les humains ou autres espèces voulant s’aventurer dans un endroit comme celui-ci. Après tout, qui sait ce dont ils pourraient trouver par simple surprise.
Un mouvement avec l’eau lui fît revenir à la réalité. C’est vrai que la créature est toujours là… Y aller, ne pas y aller… Le dilemme retentissait dans sa petite tête poilue......... Oh et puis zut, de toute manière elle n’était plus à ça près. Melyne avait arrêté de compter le nombre de fois où elle avait mis sa vie en danger pour assouvir sa curiosité. Cette fois-ci n'allait pas être une exception. Ce n’était pas pour rien qu’elle était devenue une pro de la fuite et la lâcheté. D'un bon, elle avait quitté son perchoir, glissant le long du tronc avant de sauter sur l’herbe, retombant sur ses pattes en parfait équilibre. Elle s’était étirée un peu les griffes avant de se mettre en route vers les bruits qui avaient attiré sa curiosité.
La ‘chose’ était là, derrière ce buisson. Elle se devait de paraître normale, ou du moins d’un animal sauvage. Après tout, si on ne retrouvait presque aucun humain, c’était sûrement pour une bonne raison. Doucement, elle ferma les yeux pour traverser le buisson, il n’y avait que sa tête qui dépassait. La chaleur de la lumière lui caressait tendrement le pelage de sa petite frimousse, le son de l’eau offrait une belle symphonie aux oreilles avant que tout ne soit brisé par un bruit de vomi. Lorsque l’animal avait de nouveau ouvert ses yeux bleus qu’elle vit un véritable désastre.
C’était donc ça la fameuse créature qui avait tant intrigué Melyne ? Un homme qui vomit devant elle. Charmant. Le pire c’est qu’elle a eu le réflex de renifler. Grossière erreur ! L’odeur fraiche de ce relent venait se frotter à sa petite truffe. C’était tellement écœurant qu’il lui fallut un certain temps avant d’assimiler que quelqu’un venait de recracher son repas devant son nez.
Ni une, ni deux, elle avait sauté du buisson pour s’écarter le plus loin possible de cette horreur. Le renard s’était précipité à l’opposé, s’exposant complètement à cet humain qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion de détailler pour plonger sa petite truffe et souffler dans l’eau comme si elle voulait désinfecter ses narines. Une fois ceci fait, l’animal blanc s’était redressé pour frotter ses pattes contre son pif assez frénétiquement.
« Dégueu, dégueu, dégueu ! » S'écria-t-elle comme si elle était souillée jusqu'au plus profond de son âme.
Si vomir n'était déjà pas une activité agréable, mon sang se glace lorsque je constate que je ne suis pas aussi seul que je pensais l'être. Je me redresse en grognant de mécontentement, avant de cacher vivement mes membres détériorés par la magie. La frustration et l'énervement d'avoir été découvert sans avoir de quoi cacher ce qui me gêne le plus m'énerve au plus haut point. Quelques attributs de dragon viennent pointer le bout de leur nez. Je ne dois pas lui céder.
La bestiole à tout de même une façon bien étrange de réagir qui me fait plisser les yeux et augmente en flèche le stress qui m'avait déjà envahi. Si je suis habitué à converser avec les animaux, il est rare qu'ils réagissent ainsi face à quelque chose qui leur déplait... Enfin... Vous avez déjà vu un renard aller foutre sa truffe dans l'eau pour y faire des bulles ? Non parce que... C'est exactement ce que je viens de voir. C'est surréaliste ! Je passe ma main à la teinte anormale sur mon visage. Réprimant un nouveau haut le cœur. Etant à peine habillé, j'aurais préféré me transformer en dragon... Ceci dit, au vu de sa taille trois fois supérieure à la mienne et au peu de contrôle que j'ai dessus, non seulement ça me prend environ une heure de transformation, mais en plus de ça, derrière je n'aurais fait que teindre la fourrure immaculée de cette petite bête en rouge.
J'inspire profondément avant d'expirer de la même façon. Espérant calmer mon cœur qui bat à tout rompre. L'accélération puissante de celui-ci me rappelle étrangement le galop d'un cheval à bride abattue. Je déteste quand j'ai l'impression de sentir mon organe vital fracasser ma cage thoracique.
" Qu'est-tu ? Tu n'es pas normal. "
Je resserre péniblement mon vêtement le plaçant au plus stratégiquement pour cacher la teinte inhabituelle de ma peau. Les cornes qui se sont manifestées ayant fait tomber ma capuche. La queue qui s'enroule autour de ma jambe droite dans une tentative vaine de combler l'espace corrompu par les rituels immondes.
Je sais reconnaître un animal normal. Je sais que ce renard, devant moi, ne l'est en aucun cas. Si on omet son comportement... Une créature magique ? Ou quelqu'un qui détient la magie primitive ? Ces deux options sont les seules qui me paraissent crédibles. La question, c'est, est-ce que ce mystère est vraiment ma priorité ? Est-ce que j'ai absolument besoin ou envie de le résoudre ?
On aimerait tant pouvoir inventer le dragon qui fera de nous des princes charmants.
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L’animal continuait de se frotter la truffe tout en braillant que ça puait et que l’odeur nauséabonde continuait de lui traverser les narines. Elle avait même éternué au bout d’un moment, faisant remuer sa tête ainsi que son corps pour se secouer les poils. En trois cents ans de vie, elle n’avait jamais vécu une telle chose et honnêtement… Elle aurait pu s’en passer. La boule de poils pris le temps de se ressaisir, passant une dernière fois sa petite pate bleutée au niveau de son museau avant de renifler. L'air était de nouveau pur, il fallait faire abstraction du reste.
Dans tous les cas, jouer les animaux sauvages ne servait à rien puisqu'elle avait gâcher son propre jeu. Cependant elle ne pouvait pas se permettre de dévoiler sa véritable nature. Après tout, ni elle ni lui ne savent ce qu’ils sont ou qui ils sont. Et peut-être que parfois c’était mieux ainsi. La seule chose que la renarde redoutait était que l’étranger pouvait être un chasseur. Auxquels cas, elle a ses propres méthodes pour fuir et le perdre dans les bois. Cela dit, ça ne l’empêchait pas d’avoir cette aisance à aborder les gens, à leur parler pour leur tirer les verres du nez pour qu’elle puisse assouvir sa curiosité même si elle avait déjà eu la réponse à sa question principale. La bestiole redressa sa tête vers l’inconnu, l’analysant depuis là où elle se tenait. Ni une, ni deux, elle s’était approchée d’un peu plus près avant de s’asseoir en face de lui à quelques pas, penchant légèrement la tête sur le côté pour continuer de l’analyser en silence.
Elle remarqua les cornes de cette créature. Il n’était donc pas humain. Ou du moins pas complètement. Avait-il reçu un don comme celui de Melyne ? Elles avaient une belle couleur mais il fallait se méfier de tout ce qui pouvait sembler ‘beau’ et charmant. Et les quelques détails qui montraient qu’il n’était pas un humain comme les autres lui confirmaient ses pensées.
« Ce que je suis… Je pourrai te poser la même question ! Depuis quand un humain possède des cornes ? J’admets que la couleur me plaît. C'est toi qui a choisi ? Excellent choix. » Fit-elle alors que ses trois queues commençaient à gigoter derrière son corps. Elle était amusée et semblait même perturbée par cet homme. « Puis-je m’approcher ? Dans tous les cas, à part une vilaine morsure dans la jambe, tu risques pas grand-chose. » Continua-t-elle sans même attendre sa réponse.
Elle s’était levée, s’avançant vers lui tout en respectant une certaine limite. Elle s’était avancée à sa gauche en premier lieu puis à sa droite pour mieux l’observer comme s’il était une proie. Elle avait envie de tirer sur ses vêtements blancs dans lesquels il s’était réfugié, mais pour l’instant elle allait se contenter de détailler son visage qui avait également un certain charme. Ça lui rappelait quelqu’un qu’elle avait rencontré un peu auparavant, le scénario était presque le même.
« Que caches-tu sous tes draps ? Parce que si c’est quelque chose de joli je veux bien le voir ! Le reste de ta métamorphose ? » Avait-elle dit dans un ton des plus ironique bien que très malicieux.
Un renard avec trois queues et du bleu... Décidément, on aura tout vu. Je fronce le nez lorsque la créature parle de mes cornes, et toi avec tes trois queues ! Mes lèvres se pincent, bon, on ne parle pas d'un humain avec plusieurs queues juste d'un renard anormal qui parle bien d'ailleurs. Trop bien si vous voulez mon avis.
" Ne... Ne me touche pas. Je suis dangereux. Tu peux t'approcher, mais reste à distance. Je veux pas qu'il t'arrive un truc. "
Un soupiré m'échappe alors que j'essaie de calmer la panique qui me saisit. Je passe ma main sur mon visage. Sa curiosité est normale, c'est propre aux goupils. J'en suis bien embêté. J'aurais préféré devoir conclure un marché avec des écureuils sournois. Le dragon, lui, il me murmure que ce renard ferait une écharpe de très bon goût et je lui siffle de se taire. J'inspire profondément, l'air salvateur pénétrant mes poumons et calmant mes craintes. Je réprime la bête assoiffée de sang et de carnage au plus profond de mon être.
Je repose mes yeux d'or sur la petite bête, laissant échapper un soupir résigné. Je laisse tomber ma cape jusqu'à mon bassin, dévoilant les marques de mes bras. Je fais de mon mieux pour faire disparaître les traces du dragon qui finissent par se fondre dans ma chevelure. Les dents de la bête ne menaçant plus de percer mes lèvres, les écailles, elles, ne viennent plus de déchirer ma peau. Mon visage redevenu lisse. Je clos un instant les paupières.
" Je sais. C'est pas beau à voir. Navré de décevoir tes attentes. Il n'y a que de la corruption magique. Content petit goupil ? "
Cela ne sert à rien de dire à un renard que ce que l'on cache n'a aucun intérêt, ils n'en seront que plus intéressés encore. Je passe ma main dans mes cheveux, lâchés, ma coupe n'a plus aucune sens, ils virevoltent dans tous les sens, si bien que l'on pourrait croire que je ne sais même pas me coiffer. Moi qui me montre toujours avec une coupe et des vêtements soignés. Couvert jusqu'aux dents pour qu'on ne voie pas l'état dans lequel les rituels magiques ont mis mon corps…
Je pointe ses trois queues du doigt en reprenant, un peu plus assuré, de toute façon, je n'avais guère de possibilités de me cacher à présent…
" Tu ne m'as toujours pas dit ce que tu es. "
Moi non plus remarque, je n'ai fait que répondre à moitié à sa question première. J'imagine qu'un partage de bons procédés est tout de même de mise. Cette petite chose ne m'a pas posé qu'une seule question au final. Cette petite bête est aussi curieuse que ses semblables, aussi anormale soit-elle. Si on omet le comportement qu'elle a eu auparavant, elle pourrait presque nous faire croire qu'elle n'est qu'un simple renard.
On aimerait tant pouvoir inventer le dragon qui fera de nous des princes charmants.
Dernière édition par Kyle Ravensworth le Mar 12 Juil - 15:15, édité 1 fois
La méfiance commençait à grandir en elle sans pour autant que sa curiosité s’en aille. Que voulez-vous, elle n’était pas en harmonie avec son animal pour rien. Ses oreilles s’étaient baissées par prudence alors qu’il la mettait en garde d’un potentiel danger. Comme si cela n’annonçait rien de bon. Et pourtant il s’était résigné et avait accepté de montrer ce qu’il cachait. D’un côté, elle avait ressenti comme un petit pincement au coeur. Elle avait l’impression de l’avoir forcé contre sa volonté. Tiens ? Il y a combien de temps que ce petit animal n’avait pas ressenti de la compassion pour quelqu’un d’autre que sa propre petite personne ? Le dernier être humain qui lui avait fait de la peine était un enfant qui lui rappelait son frère, mais c’était il y a plusieurs mois. Peut-être même un an ? Melyne avait appris à ne plus ressentir quoi que ce soit d’important pour les autres. Beaucoup trop ont joué de sa naïveté et de sa gentillesse. Les seules personnes qui ont pu la connaître tendre et douce sont parties il y a plus de trois cents ans.
Elle secoua de nouveau sa tête pour chasser cette vilaine pensée, après tout c’était du passé. Pour l’heure, il y avait quelque chose de plus intéressant sous son nez. Enfin, truffe.
« Je ne bougerai pas d’ici. Autant par sécurité que par méfiance. » Fit-elle alors qu’il était en train de montrer ses marques.
Les queues de l’animal avaient cessé de bouger, alors que ses gros yeux finir par s’agrandir de surprise. C’était donc ça qu’il essayait de cacher. Elle y trouvait un certain charme tout comme de mauvais souvenirs. Ses prunelles le regardaient de haut en bas, trouvant malgré tout les marques harmonieuses bien qu’effrayantes. Enfin, si elles ne lui rappelaient les dégâts que pouvaient causer la corruption, Melyne pourrait finir comme lui. L’idée de se faire dévorer par son propre animal ou créature était une frayeur qui restait toujours là, encrée dans un coin de sa tête. Cette vilaine pensée qui vient rappeler que ce don aura beau être beau ou magique, il n’en reste pas moins dangereux.
« Navrée que tu ais à subir ça. » Disait-elle d’une voix douce, penchant doucement la tête vers le bas. « Il y a combien de temps que tu les as ? Sans vouloir être indiscrète bien sûr. » L’animal s’était de nouveau assis en face de lui, avant de reprendre en fixant ses yeux dorés. Une couleur bien inhabituelle et pourtant très perturbante. Si elle pensait que ses pupilles en amandes pouvaient paraître bizarres, ses yeux à lui ne reste pas moins uniques. « Ce que je suis… Eh bien… Hmpf. Je suis un kitsune. Enfin, une humaine dans la peau d’un kitsune. Ce qui peut expliquer pourquoi j’ai trois queues et que mon pelage a des marques bizarres en plus d’avoir des patounes bleues. T’aimes ? Personnellement j’aime bien le bleu. »
Melyne marqua une pause, curieuse de connaître sa réaction. Peut-être qu’il voudra lui sauter dessus pour lui arracher sa peau ou la dévorer vivante. Dans tous les cas, ses oreilles étaient attentives au moindre bruit, ses yeux ne quittaient pas l’étranger, prête à réagir en cas d’action soudaine qui pourrait la mettre en danger.
« Et toi, ô mystérieux humain. Qu’est-ce que tu es ? Une sorte de gros lézard ? Au vu des cornes et de la queue, je dirai un dragon mais le monde est assez vaste et étrange pour que tu sois une espèce encore inconnue dans les livres."
C'était un renard intriguant, chacun de ses mouvements s'avère fascinant et occupe suffisamment mon esprit pour ne pas être perturbé par mon don qui relève presque de la malédiction au final. J'acquiesce lorsque la petite bête m'annonce ne pas bouger d'un pouce.
Je sens son regard sur ma peau abîmée par les rituels et je suis mal à l'aise. J'ai l'impression d'être mis à nu, même si sans cette cape je le suis. C'est ironique comme sensation. Avec ce tissu, je me sentais comme portant une carapace impossible à briser.
" Cela remonte à mon adolescence. Avant que je m'éveille... C'est pas si vieux, mais ce n'est pas dû à ma propre magie, je n'en ai pas abusé. "
Comment le pourrais-je ? J'ai l'impression d'être sans cesse en quête de sang lorsque je libère la bête. Cette sensation d'avoir besoin de carnage n'est pas compensée par l'impression de liberté que j'éprouve à parcourir le monde sous cette forme... Elle avoue alors être un kitsune. Une vieille légende ça, comme les dragons finalement. Une humaine éveillée donc. Elle est un peu comme moi d'une certaine manière. Mon avis sur son apparence ? Je l'observe intensément, cette fourrure rappelant la poudreuse harmonieusement tâchée de bleu. Assis en tailleurs, je la fixe ainsi un petit moment, faisant courir mon regard sur chaque détail de sa pelisse.
" Je trouve que le bleu est en parfaite harmonie avec le blanc de ta fourrure. C'est surréel et tu le portes bien. "
Lorsque la question revient sur moi, je reste d'abord silencieux. Elle connaît ainsi les dragons ? En vrai… Si elle est un kitsune, elle ne doit nullement être surprise de ma condition. Je passe ma main dans mes cheveux en soupirant, comme si je parlais d'un fardeau.
" Ouais. C'est un dragon. Assoiffé de carnage, il veut te changer en écharpe. Charmant, n'est-ce pas ? "
Moi, je ne souhaite pas tacher cette petite bête de rouge. J'en ai déjà répandu assez à mon goût. Même si pour cette bête ça ne sera jamais assez, je me demande si je serai capable de contrôler ces instincts destructeurs un jour. Je sers tout de même le tissu contre moi, quelque part, j'ai envie de disparaître. Les actions de cette bête et ce qu'elle pense me dégoûte. J'ai juste l'impression qu'elle prend tout le négatif en moi pour nous mettre en opposition. Ceux qui possèdent une magie primitive n'ont-ils pas un parfait contrôle sur leur animal ? Pourquoi faut-il que le dragon décide de tout détruire sur son passage et que la seule chose que je puisse faire soit de le contenir ?
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Dernière édition par Kyle Ravensworth le Mar 12 Juil - 15:15, édité 1 fois
Melyne pencha la tête sur le côté lorsqu'il répondait à ses interrogations. Qui pourrait être assez tordu ou cruel pour infliger ça à quelqu'un d'autre ? Quoi que… Melyne n'avait jamais réellement compris la manière dont elle avait eu sa bénédiction. Il faut croire que prier n’importe qui peut amener à quelques petits résultats. Encore une fois, elle avait de la peine pour ce jeune homme. La renarde continuait de le fixer alors qu'elle sentait son regard sur elle. Il s’était même permis de complimenter son pelage. Le renard prit un ait fier et leva son museau en l'air, faisant gigoter ses queues derrières qui montraient son contentement.
« Ça t'en bouche un coin hein ? Je sais ! Mais je suis sûre que tes écailles sont aussi gracieuses que belles. Du peu que j'ai pu voir, même si t'as l'air dangereux, tu as l'air être une sacrée bête ! Enfin… Dans le bon sens du terme hein ! » Fit-elle, ne voulant pas qu'il le prenne mal ou alors qu'il y déniche un sens caché à sa phrase. Melyne a toujours été honnête envers quelqu'un, qu’elle l’apprécie ou non. Et puis de toute manière, ce n'est pas comme si elle était capable de mentir. Inventer une histoire, elle ne savait pas faire. En revanche se taire, c’était compliqué mais pas impossible.
Cependant, le brun lui avait fait vite part des pensées de sa créature. Une écharpe ? Qu'il n'y compte même pas ! Un léger frisson froid et désagréable lui parcourait le dos à l’idée de se faire arracher la peau par une bête comme celle-ci. Ceci dit, elle avait un argument imparable.
« Huum… La couleur de mon pelage n’irait pas avec son teint. Le blanc et bleu mélangé à du doré ou du marron ça n'a jamais été très joli. Si j’avais du jaune à la limite… peut-être. Mais la bête a très mauvais goût. Et je ne tiens pas chaud, tu ne devrais pas l’écouter... » Expliqua-t-elle, montrant aucun signe de faiblesse ou de peur. Pourtant rien ne l’empêchait de ressentir ces sentiments, elle savait seulement bien les camoufler, avec un léger être blasé ou intrigué.
Après tout, elle avait tous les risques d’être en danger. Elle ne savait pas combien de temps il pourrait se transformer ou alors s'il était capable de sauter sur elle vivement. L'idée qu’un dragon assoiffé de sang puisse s’en prendre à elle ne l’aidait pas à mettre ses idées en place. Une partie d’elle criait de courir et de partir se cacher au loin, l’autre mettait la confiance qu’elle avait en avant et l’incitait à rester devant la bête.
« Haha… Très charmant… Mais tu ne le laisseras pas faire n’est-ce pas ? » Son corps de bougeait toujours pas et pourtant elle avait de nouveau baissé ses oreilles, toujours autant sur ses gardes. « Si je suis en danger, dis-le moi maintenant et je partirai comme ça je te laisse toi et ton gros lézard tranquille. »
La fierté qui a gonflé le poitrail de la petite renarde m'arrache un sourire amusé. C'est adorable, j'ai envie de lui caresser la tête. La bête me rappelant dans un coin de ma tête qu'elle, elle lui arracherait bien, sa tête. Espèce de con incapable d'apprécier la beauté des choses… Le compliment semble plaire à celui qui voudrait la changer en écharpe, je le sens, une légère chaleur se faufilant dans mon ventre, venant lécher mon cœur. Un apaisement dont j'avais besoin. Je peux sentir tout mon corps qui se détend, qui aurait cru qu'un simple compliment d'un goupil maladroit calmerait une envie meurtrière. Espèce de lézard vaniteux qui aime se faire mousser.
" Ah ha. Ne t'en fais pas petite renarde, je ne le laisserais pas toucher à ta pelisse. Il semble d'ailleurs avoir calmé ses envies d'hémoglobine et d'écharpes en entendant ton compliment. "
C'est ironique pour un mage primitif d'être autant séparé de son animal totem. Nous sommes deux entités distinctes dans un même corps. Il est ma rage, ma haine et ma vengeance, je suis la tristesse, la solitude et la rationalité. Mon esprit qui se veut humain contrôle au maximum la bête écailleuse, le maîtrisant à l'aide des chaînes dorées de la bienséance. Il faut savoir se tenir, supprimer les éléments perturbateurs et ne pas tuer tout ce qui bouge. Je suppose que l'apparition du dragon à l'apogée de mes émotions négatives en a fait une éponge qui se calme que grâce au carnage ? Je n'en sais rien finalement, mes propres pouvoirs me sont mystérieux au possible.
" Encore désolé d'avoir rendu mes tripes devant ton museau. Je n'en avais pas l'intention. "
Je tenais à m'excuser, ce n'était pas très classe et au vu de sa réaction, cela avait dû être horrible. Je sais comme c'est désagréable, nos sens sont tellement exacerbés lorsque l'on est un mage primitif… Je remonte le tissu sur moi, cachant ma peau. J'aimerais remettre des vêtements, mais ils ne sont pas là. Je réfléchis longuement, finalement, je trouve une question à poser à la renarde.
" Tu t'es déjà retrouvée à être une proie ? Je doute qu'un si joli renard s'en sorte sans encombre. Ce monde est assez mal fichu pour que le simple fait d'être humain constitue un intérêt pour certaines pratiques peu orthodoxes… Je suis curieux de savoir quelles péripéties ont pu t'arriver. Avec une telle frimousse, laisse-moi deviner… Certains aventuriers ont espéré faire de toi un familier ? "
Je ris légèrement l'imaginant affublé d'un petit nœud rose et d'un petit nom à la con genre Cacahuète… Rien que l'idée me rendait moqueur et amusé. Mon imagination fertile voit même la renarde se prêter au jeu faute de pouvoir s'enfuir et se retrouver promenée en laisse comme un petit chien. C'est fort amusant. Je tente tant bien que mal de ne pas rire aux éclats, mais je trouve ça absolument hilarant.
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Dernière édition par Kyle Ravensworth le Mar 12 Juil - 15:15, édité 1 fois
Plus la discussion entre les deux mages avançait et plus elle s’en voulait de ne pas se montrer dans sa véritable forme, sa forme humaine. C’était une pensée qui lui avait traversé l’esprit plusieurs fois et pourtant elle n’en fit rien. Pour quel motif ? Elle-même ne le savait pas. Peut-être qu’elle garde toujours cette peur d’être dévorée vivante dans un coin de sa tête, même s’il l’avait rassurée et garantie qu’elle ne finirait pas en bouillon de renard. C’était déjà bon à savoir, son périple n’allait pas finir à l’intérieur d’un gros lézard aux écailles noires et dorées.
« Malheureusement, c’est pour l’instant le seul que je peux faire. Moi et l’hypocrisie, ça fait deux. Donc je ne pourrais pas de faire de faux compliments pour apaiser la bête. » Fit la renarde, levant sa pate arrière pour la diriger vers son oreille droite, avant de la secouer avec énergie pour lui permettre de se gratter un peu. « Et tu n’as pas à t’excuser pour ça. J’admets ne pas avoir envie de connaître ton plat maaaaiiiiis… Je ne pense pas que tu savais que j’étais dans le coin et que j’allais surgir de ce buisson juste parce que j’ai été trop curieuse de savoir ce qui faisait du bruit à côté de mon perchoir sur lequel j’allais faire une petite sieste rapide... Et pour ton odeur. »
Après tout, Melyne aussi était passée par là il y a bien des années en arrière. L’idée de devoir s’alimenter comme un véritable animal avait été plus que perturbant au début. Il lui a fallu un sacré paquet d’années pour que elle et son animal totem soient tous les deux en cohabitation l’un avec l’autre. Le renard était fourbe et sournois, lui chuchotait des plans foireux, osait prendre le dessus lorsqu’elle se métamorphosait en petite bête poilues. La demoiselle crut déjà être sous les effets de la corruption. Qui n’en aurait pas peur ? Finir en animal jusqu’à la fin de sa vie, perdre son humanité au fur et à mesure et la voir disparaître dans les abysses. Un frisson s’était glissé le long de sa colonne vertébrale. Elle ne le voulait pas et pourtant… Parfois, échapper au monde humain pendant un petit temps pouvait s’avérer relaxant.
Ses oreilles s’étaient redressées à sa question. Bien sûr que Melyne était devenue une proie, et plus d’une fois. Le dragon avait tapé dans le mile dans sa supposition, ou du moins, en partie. C’était une des raisons pour lesquelles elle se montrait parfois parano alors constamment sur ses gardes. Et pourtant, ça n’empêchait pas son égo de gonfler encore plus suite à son compliment. Il était doux avec elle et ne montrait aucun signe d’animosité. Elle commençait à l’apprécier celui-là, mais il ne faut pas oublier qu’elle ne sait rien de lui, et qu’il peut très bien la berner.
« Si tu savais… Entre les chasseurs et les fillettes pourries gâtées qui voulaient absolument ma peau pour me mettre une clochette autour du cou et une laisse pour me traîner comme un chien, m’exposer fièrement… Urg… J’ai arrêté de compter après tant d’années. Le pire ce sont les prénoms que les enfants donnent. » La boule de poils était toujours assise mais avait tiré ses pates vers l’avant pour les étirer, lâchant un léger bâillement. « Les pires histoires sont sûrement avec les chasseurs. Un renard à trois queues avec un pelage et des motifs comme les miens, ça ne court pas dans les rues. Quand ils vous tirent dessus avec leurs armes, qu’ils vous pourchassent pour des poils… Vous blessent sans se soucier de ce que vous êtes… J’ai assez vécu pour ça et échappé à la mort plusieurs fois. » Elle marque un petit temps d’arrêt avant de changer d’ambiance, s’étant orienter indirectement vers des mauvais souvenirs, faisant flancher la bonne humeur. Il fallait y remédier. « Mais je me souviens qu’une fois, j’étais blessée et une enfant m’avait secourue. C’était bien au début, j’étais traitée comme une reine ! Et puis à partir du moment où elle m’a donné le surnom de ‘Pralinette’, j’ai abandonné le navire. Pralinette ! Tu te rends comptes ? Comme si ça pouvait m’aller ! Le pire c'était les tenues pour animaux. Une horreur ces choses, ça gratte, pas confortable et moche ! Du rose ou du verres à paillettes ! Qui peut accepter ça !? »
Je souriais légèrement alors qu'elle précisait être incapable de faire preuve d'hypocrisie. Je répondais dès que sa tirade fut achevée avec un petit rire.
" Le dragon déteste les hypocrites. Je suppose que c'est pour cette raison que tu as pu le toucher, il a surement senti la justesse et surtout la véracité de tes mots. " Je n'avais pas ignoré le reste de sa tirade, aussi, je passais une main derrière ma tête. " Je ne ferais pas l'affront de te dire ce qu'a été mon déjeuner. En effet, je n'avais pas remarqué ta présence, concentrer sur mon propre corps en déroute. "
Un aveu qui d'un côté me faisait mal. Comme c'est dur d'avouer que l'on a baissé sa garde, perdu sa vigilance. Admettre que l'on est vulnérable est dur. Cependant, je retrouvais vite un large sourire alors qu'elle me racontait ses péripéties. L'imaginer, les petites pattes empêtrées dans une robe grossière... Hilarant. Je ne pouvais m'empêcher d'en rire. Je pouvais imaginer sans mal chaque petite bribe d'histoire qu'elle laissait échapper. Lorsque vint l'histoire d'abord touchante d'une enfant qui l'a soigné, je perdais un instant mon rire pour l'écouter avec plus d'attention.
" Pralinette ! Comme c'est mignon ah ha. Ma pauvre, on t'a surement donné un nom qui te sied plus alors ? "
Quel remaniement habile de la conversation Kyle. Tu lui as demandé quel bruit faire pour qu'elle se reconnaisse de la façon la plus inventive possible. Je ramène mes jambes en tailleur, réajustant le tissu blanc aussi habilement que j'avais remanié la conversation.
" Après, tu sais, tu es un animal unique, les humains dans leur vanité pensent que tu devrais leur appartenir, tu comprends, ce qui est rare est encore plus nécessaire à obtenir. Enfin, ça va, tu peux te vanter d'avoir été Pralinette ! "
Un nouveau rire s'échappa de mes lèvres. Je suis taquin, mais je ne laisse poindre aucune once de méchanceté, ni aucune animosité à son égard, je ne suis qu'amusé du ridicule de la situation dans mon esprit. Je me demande si la bête pourrait renoncer à la croquer et s'en amuser aussi. Je chasse néanmoins bien vite cette pensée, je ne voudrais pas faire sortir de sa torpeur ce maudit lézard.
On aimerait tant pouvoir inventer le dragon qui fera de nous des princes charmants.
La situation l’amusait énormément. Après tout, ce n’est pas à tout le monde que l’on pouvait raconter ses histoires de renard. Les autres goupils s’étaient moqués d’elle et comment dire… Elle ne l’a pas très bien pris. De vrais vicieux. Ils ne font que s’amuser, à être sournois envers les autres qui ne sont pas de la même espèce. C’est à la limite de dire s’ils se pensent au-dessus des lois et des autres animaux. Ils peuvent se montrer malins et très joueurs… Et ils en jouent énormément. C’est peut-être une des raisons qui font que Melyne puisse avoir du mal à rester avec eux. La renarde aussi riait à la remarque du dragon, et pourtant elle s’était mise à faire la dramaqueen.
« Ce n’est pas ‘mignon’ ! De petites mains humaines qui viennent toucher mon délicat pelage, elle n’accordait pas du tout les couleurs des tissus à mes motifs ! C’étaient des tutus à paillettes ! Aucune harmonie ! Ahh… Où va donc le monde !? » Elle s’exclamait tout en levant la truffe en l’air, prenant un air faussement outré et scandalisé. « Et pour répondre à ta question, on m’a souvent appelé ‘Boule de poils’, ‘Chouquette’, ou même ‘Charogne’. Pourquoi ? Honnêtement je ne m’en souviens pas. Avec le temps, on finit par oublier. » Marquant une petite pause dans son ton amusé, elle reprit un air sérieux avant de le fixer de nouveau. « Mais en général, ceux qui me connaissent me donne le nom de Melyne. ‘Mel’ pour les intimes. C’était très subtile monsieur… ? » C’était ainsi qu’elle lui tendait la perche pour qu’il fasse de même et qu’il se présente comme elle l’avait fait.
Toujours autant amusée par les répliques du brun, elle avait lâché un petit rire avant de se redresser pour prendre une pose fière, toujours en position assise.
« Tremble devant ma puissance ! Qui d’autre est capable de se mesurer à MOI ? La grande et toute puissante ! » Disait-elle avant d’éclater de rire devant sa propre comédie.
Il y avait bien longtemps qu’elle n’avait pas ri sur ses propres histoires et anecdotes. Un vague souvenir lui vint en tête. Un feu de camp, des compagnons et beaucoup de rire dans l’air. Il y avait toujours ce petit camarade qui jouait d’un instrument quelconque afin de créer une ambiance qui était capable de calmer tout le monde. Il y avait celui qui s’empiffrait tout le temps et qui se chamaillait souvent avec la plus sage du groupe. Le bon vieux temps… C’était l’une des seules périodes où la demoiselle avait pu apprécier le monde.
« Une créature telle que MOI mérite qu’on lui donne absolument TOUT ! Dans la mesure du possible. » Evidemment, elle exagérait lorsqu’elle parlait de son mérite. Cependant, elle ne put s’empêcher d’écarter ses queues pour que celles-ci se démarquent un peu plus, comme si la rose voulait accentuer ses propos.
Elle s’était mise à le regarder. Non pas lui, mais son espèce de draps dans lequel il se cachait comme s’il cherchait à se protéger. N’a-t-il pas d’affaires ? Quelque chose dans le coin ? Maintenant qu’elle y pensait… Melyne avait les siennes égarées quelque part plus loin. Les retrouver ne sera sûrement pas un souci, son odeur en tant qu’humaine est encore marquée dans les airs. Elle n’aura qu’à la suivre.
« N’as-tu pas d’affaires ? Ou alors tu voyages aussi léger pour éviter de t’encombrer ? » Elle marqua une petite pause avant de s’approcher de lui sans la moindre peur, n’étant désormais qu’à quelques centimètres du brun pour venir le sentir. Sa truffe s’agitait devant son genoux alors qu’elle mémorisait son odeur, avant de la pointer de nouveau en l’air pour essayer de percevoir la même effluence dans le coin. « Si jamais tu es gêné de te lever, je peux toujours t’apporter tes affaires, après je ne garantie pas que je ne fouillerai pas dedans. Donc si tu veux aller t’habiller, c’est maintenant !» A quoi bon cacher les faits, Melyne l’aurait fait même si elle venait à lui dire qu’elle n’allait pas y jeter un petit coup d’œil. « Après, si tu ne veux pas, moi ça me va. Je n’ai pas de pudeur. »
Le rictus amusé sur mon visage semble incapable de s'enfuir de mes lèvres. La dame renarde est pleine de ressources et la voir ainsi gonfler le poitrail fièrement en vient même à me faire l'envier un peu. Elle paraît si à l'aise avec sa magie... J'appuie un coude sur l'un de mes genoux pour poser ma tête contre ma main. Attentif à ce qu'elle raconte, sans l'interrompre.
" Le dragon ? Je suis sûr qu'il répondrait présent à un défi... Après, je pense que l'on peut éviter de tester en combien de temps, il tâche ta fourrure de rouge, hein ? "
Un petit rire amusé accompagne ma tirade, c'est comme si la bête lui avait laissé un laissez-passer, ne se manifestant plus, me laissant tranquille, j'imagine que le carnage plus tôt à aussi aider à le mettre de bonne humeur.
" Kyle. Tu peux m'appeler Kyle, c'est comme ça que ma petite sœur m'appelait. "
Et ce qui était censé être ma mère, cette femme qui a décidé de nous abandonner aux mages noirs et sauver sa peau... Vipère ! J'espère que tu es morte la gueule ouverte comme le rat que tu es. Mon géniteur n'est pas à blâmer, il a eu la présence d'esprit de ne pas se faire connaître, difficile de remettre la faute sur quelqu'un lorsqu'on n'a même pas ne serait-ce qu'une vague idée de ce à quoi il ressemble.
Lorsque le goupil me demande si j'ai des vêtements, je hoche la tête distraitement. Il serait temps d'aller les chercher et de cacher ces odieuses marques.
" Tu trouveras un peu de viande séchée dans une poche de ma veste si tu veux. Après, je n'ai plus rien à te cacher vu que tu as déjà vu l'état de ma peau... Je sais exactement où ils sont, si tu veux, tu peux m'accompagner. "
Je me lève ensuite d'un mouvement souple. Me dirigeant sans plus de cérémonie vers mes vêtements, la cape blanche retombant en majeure partie sur mon corps, masquant celui-ci pour qui ne désirerait voir un homme nu. Il n'y a pas longtemps à marcher, j'apprécie la caresse de l'herbe épaisse sous mon pas. Je suis relativement détendu auprès d'elle, peut-être est-ce sa forme animale et le dragon qui a fermé sa grande gueule de lézard qui me permet de me sentir plus léger.
Une fois arrivé auprès de mes vêtements, je jette ma veste au sol, lui permettant de fouiller autant qu'elle le souhaite dans les poches pour trouver la viande. J'enfile chaque vêtement assez vite au final, je ne peux me permettre de perdre du temps lors de ces actions, retirant ma cape blanche, je boutonne ma chemise et glisse mes gants à mes mains, m'asseyant à côté de ma veste.
" Je me sens mieux maintenant que ces horreurs sont cachées. C'est un peu stupide vu que tu les as vues sans être rebutée... Mais je déteste laisser ces odieuses marques visibles... "
Je précise ça, comme si c'était d'une importance capitale de justifier mes actions. Tous mes vêtements sont faits pour masquer ces marques & mon corps en général, lissant mes muscles sous plusieurs couches de tissu, un style qui n'est pas plus différent de ceux des gentilshommes de Sapheris malgré une certaine excentricité, c'est quelque chose l'ont peu aisément trouver là-bas finalement.
On aimerait tant pouvoir inventer le dragon qui fera de nous des princes charmants.
Melyne avait lâché un petit rire gêné après avoir écouté sa réponse. L’idée de se faire arracher les queues par une créature capable de faire dix fois sa taille ne l’enjouait pas vraiment. Même si elle se plaignait souvent de son existence, ce n’était que des mots auxquels elle n’y pensait pas. Mine de rien elle était reconnaissante d’avoir une sorte de don qui l’empêchait de vieillir pendant quelques siècles.
« Ouais… On va éviter. Au risque d’avoir des regrets d’avoir provoqué la bête et finir en moufles pour l’hiver. » Fit-elle avec un petit air sarcastique, bien qu’intérieurement elle gardait toujours en tête qu’elle avait peur que cette vanne devienne une réalité.
Le brun s’était donc présenté, glissant même un petit détail sur sa vie familiale. Pourquoi pas, c’était toujours une information de plus à prendre.
« Eh bien enchantée ! Ravie de faire ta faire ta connaissance… Et avec le dragon aussi je suppose. » Elle continuait de l’écouter et l’avait même suivi alors qu’il s’était dirigé vers ses fringues. La renarde marchait derrière lui, presque en sautillant, l’accompagnant jusqu’à sa petite cachette où se trouvaient ses vêtements.
D’un côté elle était curieuse de savoir quels étaient ses goûts vestimentaires. Comme Melyne avait créé les siens il y a bien longtemps ; que voulez-vous elle a des goûts particuliers. Allait-il sortir une vieille chemise avec des petits motifs de dragons pour faire honneur à sa créature ? Ou alors serait-ce des tissus plus distingués. Elle espérait de lui que ce soit un minimum raffiné ! Peu après, elle réceptionna la veste et utilisa son odorat pour fouiller le vêtement, sur la piste de cette fameuse viande séchée.
Les bruits des vêtements qui glissaient sur sa peau lui confirmait qu’il était en train de s’habiller. Si elle n’était pas occupée à chercher la nourriture, Melyne se serait retournée pour regarder. Mais n’oublions pas la dignité. Pour qui allait-elle passer s’il la voyait en train de le reluquer et que… Oh la viande ! La renarde avait déniché la nourriture et l’avait sortie de la veste avant de la renifler, on ne sait jamais, du poison peut y être dissimulé, et d’en prendre une bonne bouchée, laissant le reste à Kyle. Pas mauvais.
« Hm. C’est toi qui vois. Après c’est vrai que même si c'est joli ou esthétique, je pense que personne ne peut être réellement envieux de subir la corruption de la magie primitive. Mais bon, dis-toi que malgré tout tu es là. ‘Fin, en vie et sans avoir succombé à cette voix dans ta tête qui peut prendre le contrôle. » Elle parlait tout en mâchouillant la viande avant de s’allonger sur la veste, laissant seulement la viande à terre pour ne pas la tâcher. Melyne avait eu un petit vécu elle aussi avec son animal à ses débuts. Un vrai calvaire.
La renarde avait redressé son regard vers le brun qui s’était assis à côté d’elle, analysant ses vêtements bien distingués. Dans un sens, il avait la classe habillé ainsi et ses gants rajoutait un petit quelque chose qu’elle ne saurait dire.
« Hééé… Pas mal les vêtements ! Basique avec la chemise, mais je ne pensais pas que tu aurais des habits de goût. Les couleurs sont sympas ! » S’exclamait-elle avait de terminer son petit goûter. Elle ne parlait plus pendant l’ombre d’une minute, détaillant les cheveux du jeune homme qui n’étaient toujours pas coiffés. Penchant sa frimousse sur le côté, elle s’était mise à questionner sa coiffure.
« Tu as une chevelure relativement longue et bien lisse dis-moi. J’en serai presque envieuse. »
Avoir un renard qui sautille derrière soi, je dois admettre que ce n'est franchement pas commun. L'entendre fouiner pour trouver la viande séchée me confirme qu'elle n'a pas laissé traîner son regard sur mon corps abîmé par les expériences magiques. D'un côté, si que le regard de quelqu'un qui coule sur mon corps ne m'aurait pas tant dérangé, même acceptées par cette même personne, les marques sur ma peau me mettront toujours mal à l'aise, j'imagine.
" Le dragon les a fait payer. Pourtant, son apparition dans mon corps, mon éveil à la magie n'a pas effacé ces horreurs. Je n'ai pas eu à contenir une petite voix dans ma tête... J'ai juste subi la lubie de ces fous qui voulaient obtenir de grands pouvoirs et autres ambitions puériles. "
Je l'observe avec intérêt. Elle semble en connaître beaucoup, assis à ses côtés, je dois admettre que c'est assez particulier. À son commentaire sur mes cheveux, ça me rappelle qu'ils sont détachés... Je cherche l'attache que j'utilise habituellement avant de me souvenir qu'elle est dans la veste. Je tends la main et finalement la pose légèrement sur sa tête, le geste est lent, léger. Effleurant sa fourrure, la texture de celle-ci me paraissant douce, je ne peux m'en assurer à cause de mes gants. Je retire ma main après un bref instant, par peur de titiller la bête.
" Tu es sûre de pouvoir rester longtemps sous ta forme de goupil ? Bien que très jolie, je doute que la garder indéfiniment ne fasse du bien à ton corps, n'est-ce pas…? Enfin. Pas que je veuille te dicter ta conduite hein ! Tu as l'air de savoir mieux que moi les limites de ta magie... "
Je m'étire un peu, attrapant ensuite le restant de viande séchée pour la mastiquer tranquillement. Ça me fait passer petit à petit cet arrière-goût de sang qui m'est resté sur les papilles après l'encas de cette deuxième partie de moi. Le lézard a vraiment des goûts de chiottes en matière de viande... Il devrait tester la viande cuite franchement. Parc que le sang, c'est absolument pas sympa comme sauce. En plus ça reste sur la langue, c'est désagréable.
Je me tourne de nouveau vers la renarde en me grattant la joue, comme pour ajouter un argument à la question que j'ai posé avant. Un sourire gêné se dessinant sur mes lèvres. Je ne veux pas paraître insistant ou que ma demande soit mal placée, oh et puis... Tentons une autre approche.
" Et puis… Sous ta forme humaine, il serait plus simple de t'inviter à manger par exemple. Je doute qu'un tavernier soit enclin à servir un renard... "
Eh bien, la subtilité aujourd'hui ? Je suis un pro. C'est incroyable, d'habitude, je suis doué comme un pied à ce sujet, j'ai l'impression de franchement bien me débrouiller aujourd'hui. J'en serais presque fier de moi. Mon regard d'or posé sur la boule de poils atypiques, heureusement que personne ne passe par là, on me prendrait pour le roi des fous à parler avec un renard... Remarque, parler aux animaux est une capacité que j'ai acquise il y a peu. Je m'en suis rendu compte quand un écureuil m'a jeté un gland sur la tête en insultant toute ma famille parce que je l'ai réveillé en frappant dans le tronc de sa maison...
On aimerait tant pouvoir inventer le dragon qui fera de nous des princes charmants.
Le petit renard pencha de nouveau la tête, cette fois-ci son regard était fixé sur ses prunelles dorées. Après tout, elle ne pouvait regarder que ça, à défaut de laisser ses petits yeux malicieux détailler chaque trait du visage de Kyle. Elle écoutait le passage sanglant de la vie du brun, lui donnant un arrière-goût amer. Melyne n’avait jamais eu de problème, en dehors des quelques chasseurs qui voulaient sa peau, avec sa propre magie. Après, un renard un peu plus grand que ceux qui s’avéraient être normaux était toujours un signe de méfiance. Celui qui s’était immiscé dans son esprit n’avait pris le contrôle de son corps qu’une seule fois. Et c’était bien assez.
« Je vais être honnête, je ne dirai pas que je peux comprendre les pulsions de la bête. Mais dans tous les cas, j’espère que ça ne t’empêche pas de vivre tout de même. » Après tout, il serait bien triste de gâcher la vie d’un si joli minois. C’était ce qu’elle pensait, bien que ces mots étaient restés dans sa tête.
Elle qui parlait de succomber à ses instincts d’animal, la voilà qui était à la limite de secouer la pâte en guise de signe de bien-être. Un peu de tenue voyons, n’allons pas nous ridiculiser dès le début. Pour faire mine, lui qui voulait être délicat, la renarde avait accepté sa petite caresse plus que tendre avant de faire remonter sa petite tête doucement, comme pour renforcer le contact entre le haut de son crâne et la paume de sa main qui était un signe que le toucher n’était pas désagréable pour elle. La boule de poils savait que ce n’était pas là le but premier du jeune homme, pourtant c’était une sorte de petite provocation qui l’avait amusée.
Vient le moment où il évoquait le sujet de sa transformation, bien que flatteur, il l’avait rapidement ramenée à la réalité. Il était quand même mignon à vouloir trouver une excuse à tout prix. Le renard ferma ses yeux un instant, le laissant parler avant de reporter son attention vers lui.
« Tiens tiens tiens… Serais-tu intrigué par ma véritable forme ? Petit curieux. » Elle marqua une petite pause avant de se lever, dandinant sa queue doucement d’amusement alors qu’elle était venue frôler les jambes du brun, pour venir faire quelques pas devant lui avant de lui tourner autour pour s’arrêter derrière lui. « Es-tu certain que c’est pour m’inviter à passer un bon repas avec toi ? » Encore une fois, elle s’était arrêtée pour venir bondir et poser ses pates avant sur son dos pour venir glisser sa tête à côté de sa joue, reniflant son odeur de plus près. A vrai dire, elle cherchait chez lui de potentiels parfums de métal, ou quelque chose qui pourrait s’apparenter à des pièges ou armes.
Ce n’est que lorsqu’elle s’était assurée qu’elle ne courait aucun risque pour le moment qu’elle était revenue devant lui pour l’observer une énième fois sans laisser sa voix s’exprimer. Ce n’est qu’après un long moment de réflexion qu’elle s’était décidée à prendre le risque.
« Pour répondre à ta première question, la corruption n’a jamais fait du bien, même pour moi !» S’exclamait-elle tout en lui tournant le dos, comme si elle était prête à partir. Elle pensait notamment aux marques sur ses joues. « Si tu veux bien patienter un peu, peut-être que je reviendrai. J’ai bien dit ‘peut-être’ hein. » Puis sur ses derniers mots, elle avait sautillé jusqu’en dehors de la caverne pour disparaitre définitivement du champ de vision du beau brun.
Pendant le trajet jusqu’à ses affaires, elle avait longtemps hésité à y retourner. Le but était de le laisser en plan. Mais il semblait beaucoup trop honnête et perdu pour tendre un piège à Melyne. Et puis franchement… Il a un physique bien plus qu’avantageux qui a su retenir l’attention de la demoiselle.
Ce n’était qu’après trente, voire quarante, bonnes minutes qu’elle avait décidé de repointer le bout de son nez. Ses pas étaient bien plus audibles que lorsqu’elle était sous sa forme de renard, annonçant son arrivée. La voici devant l’entrée, bien humaine et habillée, sa longue chevelure ondulée laissait quelques mèches reposer sur ses épaules, les mains qui soutenaient le peu d’affaire qu’elle avait dans son dos alors que ses yeux bleus pétillaient de curiosité, hâte de savoir s’il la reconnaîtra dans la seconde qui suit. Restait à savoir s’il était parti ou pas.
« Alors euuh… Cette taverne ? C’est par ici le guide pour un bon repas ? » Tentait-elle dans la pénombre de la grotte.
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