À l’aide d’un pilon forcé dans le fond d’un mortier apposé sur une table en pagaille, la pâle demoiselle écrasait un à un, chaque ingrédient rejeté dans la mixture en devenir. Son attention glissait sur les informations contenues dans le grimoire posé juste à côté, marmonnant à voix basse les indications l'une après l’autre sans détourner l'œil. Après un temps, ses mouvements s’étaient progressivement arrêtés en osant appuyer ses mirettes claires sur le mélange créé avec une moue dubitative sur le visage. « Tu manques cruellement d’imagination, ma pauvre…» Un soupir avait pincé ses lèvres tandis que le pilon s’était fait rejeter sur la table dans un geste désintéressé. Le corps de la blafarde se relevait lentement, sans jamais sembler pressé - à ainsi vivre, il n’était pas nécessaire de se dépêcher pour quoi que ce soit, aussi valait mieux économiser chaque parcelle de force physique. Elle s’approchait d’une fenêtre de son local bordélique pour venir appuyer son corps contre le cadre intérieur et laisser son regard se balader en dehors.

Le quartier dans lequel la scientifique résidait n’était pas le plus beau, ni le plus calme. Il s’agissait d’un endroit reculé en Exalos et abritait toute sorte de personnalité, des plus excentriques à ceux désireux de passer sous le radar. La beauté et l’avancement technologique de cette ville était présent dans la basse-ville mais, il y avait un petit quelque chose de plus brut et de moins tape à l'œil et c’était ce dont Luciole avait besoin. Depuis que son sang et son titre lui avaient été retirés dû à son physique disgracieux, elle s’était vautrée dans les bas quartiers dans l’espoir de trouver une étincelle quelconque et de raviver les flammes de son cerveau réputé.

Le corps frêle de la femme s’était redressé calmement à la fin de ses rêveries, s’approchant de l’entrée en ramassant sa longue cape à capuche grise qu’elle enfilait aussitôt, sans oublier d’abaisser la capuche sur son visage. Afin de briser l’ennuie néfaste pour l’intelligence, la scientifique s’était extirpée du centre de soin dans le simple but de se promener, bien simplement. Ses mouvements gracieux l’amenaient d’un pas frêle tout autour, tirant par moment sur les pans de sa longue robe verte pour relever celle-ci du sol afin que la boue ne trouve pas moyen de s’y rattacher.

Plus sa progression avançait, plus les couleurs et excentricités de la ville technologique se faisaient sentir. Il y en avait pour tous les goûts au marché - implants, prothèses, inventions pour le quotidien… Dire que les mages utilisaient encore des cristaux pour l’alimentation, cela dépassait un grand nombre d’Évolués. Ses petits pas cessèrent progressivement quand son attention avait croqué un petit groupe dont les visages ne lui disaient rien - lorsqu’on passe son temps à errer, les inconnus sont bien vite repérés. Ses mirettes d’un bleu céruléen glissait sur les deux premier homme, pour ensuite passer à une femme et finir sur deux autres grands gaillards. Son analyse rapide s’était occupée de vérifier les accoutrements, les visages et autres signes distinctifs en un rien de temps. « Que peuvent-ils bien venir faire ici… Oh? »

Il ne fallait pas être diplômé de l’académie d’Exalos pour en faire le constat mais, la jeune femme avait remarqué le bandage de fortune sur l’un des aventurier, se pinçant aussitôt les lippes dans un état songeur - ce serait fort probablement une bonne manière d’obtenir des ingrédients plus difficile à avoir comme il s’agit d’avoir une permission de charcuter. C’était donc décidé, Luciole s’était empressée de rejoindre le groupuscule qui se frayait un chemin dans cette ville pleine de vie, arrivant à leur hauteur en leur faisant signe de la suivre. Peut-être aurait-elle dû se présenter, sourire et proposer son aide d’une autre façon mais, la scientifique avait trop souvent fait l’objet de perplexité vis-à-vis son physique mutilé. Ainsi, elle avait préférée garder la capuche sur sa tête en tirant bien simplement sur le bras de l’un des hommes du groupe, les amenant dans la direction qu’elle avait décidée.

Lorsqu’ils arrivèrent dans les bas quartiers, les doigts de la blafarde s’étaient serré un petit peu sur le bras de l’inconnu, de peur qu’ils ne décident de prendre la poudre d’escampette vu l’endroit ou elle les attiraient. Ils arrivèrent toutefois peu de temps après, au-devant d’une toute petite maison. Au-dessus de la porte d’entrée trônait une affiche où l'on pouvait y lire - Centre de soin -. Dans un souci d’étiquette, elle leur ouvrit la porte, les invitant d’un geste de la main à se frayer un chemin à l’intérieur. Une fois la porte fermée derrière eux, les jeunes gens pouvaient juger de l’endroit bien aisément au vu de sa petitesse. L’endroit contenait un lit simple au milieu de la pièce, des tables surmontées d’un nombre incalculable d’ingrédients, de livres et d’autres ustencils et babioles pour les soins. Rien qui ne sortait de l’ordinaire pour un médecin, si ce n’est que le nombre incroyable d’ouvrages, grimoires et livres qui se trouvaient éparpillés un peu partout - sous et sur les tables, sous le lit… Partout où l'œil pouvait poser son attention, il y en avait.

En douceur, la pâle avait tiré plusieurs tabourets en les époussetant rapidement au passage, cherchant à faire d’elle un hôte exemplaire, tandis que son corps s’était appuyé contre une table en face. Du bout de ses doigts délicats, sa capuche s’était fait descendre dans son dos, découvrant une crinière sombre et indomptée qu’elle repoussait un brin de son faciès mutilé, celui-ci à peine découvert sous les mèches rebelles.

« Je vous demande pardon, messieurs, ma dame, si mon intrusion vous a dérouté d’une quelconque façon.. J’ai cru remarquer une blessure au corps ainsi qu’incertitude au visage. Visages qui, d’ailleurs, ne sont pas familier en Exalos, aussi ais-je cru bon de vous amener ici pour ces deux raisons.  »

Cela devait faire des lustres que la blafarde n’avait pas eue de visite, elle croquait discrètement ses lèvres afin de taire un sourire désireux de s’étirer avant de désigner l’endroit d’une main. « Désirez-vous que je vous aide d’une quelconque façon, à commencer par soigner votre blessure, par exemple? Ça me ferait grand plaisir, n'en doutez pas.» Un silence régnait dans la cabane et, mis à part les livres, il n’y avait pas grand chose à analyser outre les concoctions en fermentation ci et là. Tout en douceur, la pâle s’était ensuite exprimée une dernière fois, courbant un peu son échine au même moment d’un mouvement protocolaire. « Je me prénomme Luciole, vous ne craignez rien, étrangers. Exalos sait être difficile par moments pour ses voyageurs, mais vous êtes bien tombés, je vous assure. »  

Peut-être faisait-elle un peu trop d’effort… Que pouvait bien faire la pâle, elle qui n’avait pas eue de réelle conversation depuis des lustres!